Les Kongos, vous avez dit Kongos ?
Kongo dia Mpangala, Kongo dia Mulaza, Kongo dia Mpanzu, sont les trois grands ensembles originels du Kongo dia Ntotila, ce grand royaume dont Mbanza-Kongo ou Zita dia Nza était la capitale, au moment où les premiers Portugais ont débarqué sur cette partie de l’Afrique en 1482. On y dénombrait plusieurs sous-groupes comme les Yombe, les Mboma, les Ndibu, les Ntandu, les Manianga, les Mbata, les Mpangu, les Kimba, les Woyo, les Lemfu, les Dondo, les Gangala, les Kenge, les Mvidi ou Vili, les Bembe, les Kamba, les Sundi, les Kuni, les Kongo-Boko, etc.
Aujourd'hui, les Kongos se caractérisent par des traits sociaux quelque peu communs. Originaires de l’ancien royaume du Kongo et appartenant tous au groupe des langues bantu, ces populations présentent une diversité comparable à celle des peuples qui parlent des langues de souche indo-européennes.
Suite à la dislocation du royaume, affaibli par la traîte négrière et la division arbitraire du continent noir à Berlin en 1885, ces différents groupes vont se retrouver de part et d’autre des frontières des Etats de l’Afrique centrale. Dans l’optique d’une étude anthropologique approfondie, les ethnologues parlent aujourd’hui du Kongo-Kamba, du Kongo-Ladi, du Kongo-Sundi, du Kongo-Bembe, du Kongo-Kuni, du Kongo-Vili, du Kongo-Boko, du Kongo-Gangala, etc. Cette dénomination se réfère plus à une réalité administrative plutôt qu'éthnique, comme le voulaient les colons, dans l'optique de diviser et d'éclater cette unité territoriale pour mieux régner. Il n'existe donc qu'une civilisation kongo autour du Lemba, comme l'est le Kwébali chez les Tékés..
La configuration de la parenté est basée sur un système matrilinéaire. Le chef du lignage est toujours l’oncle maternel qui entretient une relation d’autorité avec son neveu. Mais son autorité ne prime pas sur celle de la société. Le père bien qu’il ne soit qu’affectif, est le chaînon par lequel la force vitale qui est à l’origine de toute chose, parvient au fils. Ce dernier qui n’a pas le droit de le nommer doit l’appeler «tata», ce qui équivaut au mot père ou papa en français.
En ce qui concerne la mère, ici le propos d’Aragon sur celle qui est l’avenir de l’homme, prend tout son sens. Elle fait l’objet d’une attention toute particulière car elle est la matrice de la terre et la source de toute existence. Un enfant ne peut désavouer sa propre mère comme il ne peut la traîner devant les tribunaux. L’attachement qu’il lui porte, est le même que celui que la société kongo porte à la terre nourricière. Aujourd’hui, nos traditions ont subi des mutations énormes et malgré quelques fausses apparences, les femmes ont autant de responsabilités que les hommes. La société Kongo regorge de femmes méritoires qui ont rejoint les cases à palabres où elles participent aux grands débats.
Les héros ne se rencontrent pas sur les champs de bataille et ceux qui s’y retrouvent, ne savent même pas le plus souvent, pourquoi ils doivent tuer ceux d’en face. Ils défendent des intérêts qui ne sont pas les leurs, pendant que les riches pour lesquels ils s’entretuent assurent l’avenir de leurs propres enfants qu’on ne verra jamais au front. Les véritables héros sont ces mères dont on ne parle pas assez, qu’on ne voit pas et qui s’occupent de l’éducation de leurs enfants. Ces mères qui leurs apprennent à parler, à penser, à marcher et qui assurent ainsi l’avenir de notre humanité.
L’un des tabous les plus sacrés chez les Kongo concerne l’inceste. Le mariage étant exogamique, on ne peut se marier qu'en dehors du lignage ou «mvila» et on en dénombre douze. Si le clan se définit par rapport à l’ancêtre totémique, le lignage par contre s’appréhende comme un groupe d’individus qui se réclament d’un ancêtre réel. Les aînés du lignage c’est à dire les oncles utérins, les grands-parents et les tantes utérines sont les gardiens de la mémoire. Ils sont également les détenteurs d'un savoir, fruit d'expérience et d'apprentissage, qu'ils vont transmettre aux cadets.
Les aînés se doivent d’être signifiants car il leur incombe, la lourde tâche de s’occuper des divers apprentissages et de l’éducation des plus jeunes. Dans cet univers, il n’y a pas un être qui soit supérieur à l’autre. L’idiot du village est tout autant respecté et on a toujours besoin d’un plus petit que soi, comme tous ont droit au respect. La compétition ne manque pas dans ce milieu mais le Kongo est éduqué dès son plus jeune âge, à être compétitif vis à vis de lui-même pour s’améliorer davantage.
L'enfant qui se soumet aux divers apprentissages, doit du respect aux adultes même s'il est conscient, du fait que l’avenir lui appartient. Il sera ainsi éduqué en conséquence et préparé à affronter les difficultés de la vie. C’est au mbongi, dans la case commune, qu’il apprend que l’univers est codifié, comme l’est le langage et que la nature émet des signaux qu'il doit apprendre à décrypter. La vie dans cette nature, qui paraît si simple au premier abord, est en fait une observation perpétuelle de tous les instants. C’est une sensation qu’il doit saisir et comprendre s’il veut être amené à y porter une quelconque modification. Le non respect de ce code est dans la majeure partie des cas, à l'origine de ces cataclysmes malheureux qui se produisent dans la nature.
Comme nos ancêtres, nous avons essayé de nager dans le sens du courant, nos enfants devraient eux aussi en être capables et faire mieux que nous mais à condition, que nous les y préparions. A cause de notre passé de colonisés, déchirés voire même déchiquetés, nous sommes des êtres ambigus. Nous naviguons d’une culture à l’autre, parfois même sans trop de peine, mais ce ne sont que des fausses apparences. Certains d’entre-nous sont devenus des chantres de la négritude tout en étant amoureux de la francophonie, soutenant sans s’en rendre compte la françafrique et ses malversations criminelles. Nos enfants doivent savoir et accepter malgré tout, que c’est parce qu’ils ont plusieurs racines, que certains arbres résistent mieux aux tempêtes et aux ouragans.
Il s’agit de restituer les faits, d’éviter les amalgames et les dangers de l’exclusion en sachant situer chacun dans sa propre histoire. Il faut dire à la petite Française d’origine Kongo que son ancêtre n’était pas Gaulois. Sauf quand c’est une réalité irréfutable dans le cadre d’un enfant issu d'une union mixte par exemple. Qu’il ne s’appelait pas Vercingétorix ou Clovis et qu’il n’était pas Troyen non plus. Le jeune Kongo qui a appris l’histoire de Blandine livrée aux lions dans les arènes, et celle de Jeanne d’Arc qui a péri sur le bûcher, doit aussi connaître celle de Nsimba Ndona Béatrice ou Kimpa Mvita.
Selon le droit canon du XIIIème siècle, Kimpa Mvita fût brûlée vive par les pères missionnaires au Kongo le 2 juillet 1706 pour son hérésie. Il était inadmissible à cette époque qu’une négresse puisse entendre la voix et recevoir un message de l'Eternel notre Dieu. De plus en plus écœurée par les actes de barbarie perpétrés sur le peuple kongo, elle avait commis un sacrilège en dénonçant la traite des esclaves et la cupidité de ces envoyés de Dieu en soutane, qui se comportaient comme des malfrats en terrain conquis. L’Eglise persécutée du Christ aimant, s’est transformée en une institution persécutrice en Afrique. Malgré les innombrables requêtes adressées au Vatican, jusqu’à ce jour Nsimba Ndona Mvita n’a été ni béatifiée, ni canonisée comme ses consoeurs occidentales mais peu importe à présent.
Mama Zinga, Mama Kimpa Mvita, Mama Ngunga, Mabiala Ma Nganga, Bweta Mbongo, Simon Kimbangu, André Matswa, Biza Dia Tsina, sans oublier ces pères de nos indépendances d'ici et d'ailleurs qui ont osé dire NON à l'oppresseur. Bon nombre l’ont payé de leur vie et leurs consciences respectives, ont violemment été étouffées dans la barbarie. Ce recueil raconte entre les lignes, l'histoire de ces Hommes de conviction, animés d'une velléité d’indépendance ; ils se sont battus pour la conquête de la dignité d'une âme africaine.
Celui qui sait d’où il vient, sait où il va et il ira très loin. Autrement il sera mal dans sa peau, rejeté par rapport à ce qu’il croyait être, il sera incapable de se projeter. Il vivra au jour le jour et n’aura comme alternative que de poser des actes antisociaux. Une société qui ne s’occupe pas de sa jeunesse est en perdition et dans la mesure où nos spécialistes sont suffisamment outillés, il est possible de faire mentir la malédiction sociale et d’affirmer qu’il n’y a pas d’enfants perdus. Comme pour toute chose, en matière d'éducation, la sagesse nous recommande de prévenir et d’endiguer les phénomènes de déviance en amont.
Les temps ainsi que les lieux changent, tout est en mouvement. La grande famille traditionnelle est inexistante du moins dans les faits, d’où cette nécessité pour les Kongo, comme pour tous ceux qui vivent loin de chez eux, de pouvoir la récréer sous forme d’associations culturelles. Les enfants doivent être mis en face de ce qui les dépasse, ces histoires des traditions familiales qui se racontaient jadis à la tombée de la nuit, à proximité de la case commune, autour d’un grand feu de bois.
Le mbongi est toujours ce lieu qui élève en mettant du plein là où il y a du vide. Ceux du village s’y retrouvent pour être ailleurs, en parfaite communion avec les ancêtres. C’est un lieu de curiosité qui édifie, où se créent et se nouent des liens de toutes sortes et où s’opèrent des identifications positives. Pour la première fois, le jeune Kongo y découvre que la parole est créatrice, qu’elle a force de loi et qu’elle est plus importante que l’écriture. Voilà pourquoi la tradition orale, grâce au génie des généalogistes, a traversé et surmonté les pires turpitudes depuis la nuit des temps. Comme trop parler est source de nuisance, venons-en au fait. (Recueil en préparation).
Jean Claude BEMBA BELCAUD
Commentaires (3)
1. Marco Milandou 20/01/2012
Matondo, tata Bemba.
2. F. Nzaba 24/01/2012
Merci grand frère,
c'est une véritable leçon du passé mais aussi du présent. C'est de ça qu'on devrait parler dans nos écoles, depuis l'école primaire.
3. A. Mankessi 05/05/2012
Comment faire pour se procurer ce recueil ?