Le POISSON POURRIT TOUJOURS PAR LA TÊTE...
« L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte
ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort…»
Thomas Sankara
Le drame africain, au 18ème siècle, résulte de l’apport dans l’arène politique, des idées civilisatrices de quelques têtes bien pensantes et pleines de détritus. Appelées aussi philosophes des lumières, ces grosses têtes dont la pensée servira de fondement à la politique mercantile de l'Europe, contribueront à sceller le sort des Africains, de la traite négrière au néocolonialisme, en passant par la colonisation. Les plus grands crimes de tous les temps seront ainsi élaborés et commis au su et au vu de tout le monde, par ceux qui ont écrit l’histoire de l’humanité, en se servant de la plume, du verbe, de la force et du bruit des canons.
Ces frères de « lumières », ces grands esprits comme certains s’évertuent encore de les appeler de nos jours, seront les premiers à prêcher leur haine vis-à-vis de ces hommes qui ne pensent ni ne se comportent comme eux. Ainsi, Voltaire, Montesquieu et tous les autres, auront vite fait d’attribuer à ces civilisations différentes, les pires injures dictées par la clarté des pièces d'or et par leur obscurantisme.
C’est de cette lueur pourpre, que surgira le génie que ces grands maîtres vont répandre à la face du monde. En effet, ne sont-ils pas la proue, des éminences grises qui dictent les fondements de la pensée à la conscience collective ? Des Essais et des Théories vont ainsi être développés, lesquels n’auront pour point commun que cette vision étriquée, d’un monde africain, relayée par des individus qui n’ont jamais mis les pieds en Afrique. Ces mensonges maintes fois répétés, par ceux qui ont tous les pouvoirs, sont devenus comme des vérités avérées. Ils vont ainsi sceller le sort des millions d’êtres et avilir des civilisations qui se meurent encore de nos jours.
Voltaire, l’un de ces illuminés, qui défend la prédominance de la race blanche, a poussé sa perversion allant jusqu’à dire :
« La race des nègres est une espèce d'hommes, différente de la nôtre, comme la race des épagneuls l'est des lévriers… »
Soit il doute des origines du Noir ou alors il lui attribue un autre Dieu créateur, en se demandant :
« Comment se peut-il qu'Adam qui était roux et qui avait des cheveux, soit le père des nègres qui sont noirs comme de l'encre et qui ont de la laine noire sur la tête ? » (Essai sur les mœurs, 1756).
Montesquieu va inscrire sa démarche sur celle de son contemporain pour dire de l’Africain :
« Cet animal noir qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu'un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d'idées qu'eux, et plus de facilité pour les exprimer. »
Et puis encore :
« Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique pour s’en servir à défricher tant de terre.
Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait pas travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.
Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité, que les peuples d’Asie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée.
On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.
Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez des nations policées, est d’une si grande conséquence.
Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’ont fait aux Africains. Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ? » Montesquieu, De l’esprit des lois, XV, 5.
L’apport de ces lumières rubicondes, à travers la traite des esclaves et le commerce triangulaire, dotera l’Europe égoïste de ses plus beaux châteaux (Versailles...) et des grandes villes comme Nantes, Bordeaux et Liverpool. L’apparition du Code Noir (1685) renforcé et éclairé par le voile de ces idées dites lumineuses, contribuera davantage à l’animalisation de l’homme Noir et à intensifier la chasse aux esclaves. Le Roi Louis XIV versera une prime, à chaque armateur qui débarquera un esclave sur une île ou une colonie française. Nous avions atteint le summum, croyions-nous ?
A la lumière des faits, déjà bien avant la Révolution française de 1789, la première grande révolte des esclaves de l’histoire a eu lieu en 1663, dans le comté de Gloucester en Virginie. De nombreuses contestations vont se succéder et le plus souvent dans la violence, endeuillant autant les esclaves que les esclavagistes. Celle d’Haïti en 1791, menée par François Dominique Toussaint dit Toussaint Louverture, finira par éveiller certaines consciences. Elle va aboutir dans cette contrée, à l’abolition de l’esclavage en 1793 et à la naissance du premier Etat noir en 1804.
A la veille de la Révolution en 1788, les données ne sont donc plus les mêmes. Certains ont mesuré le risque de tout perdre en voulant trop gagner, d’autant plus que toute la main d’œuvre en Amérique est noire. Il faut donc créer des institutions de façade, pour regagner la confiance des Noirs c'est-à-dire, de cette main d’œuvre, bien que peu couteuse, qui devient trop encombrante. Dans certains Etats d’Amérique, il y a plus de Noirs que de Blancs. Toutes les déclarations et les décrets pompeux qui vont donc suivre, n’ont pour but, que de caresser les Noirs dans le sens du poil ; d'autant plus qu'ils sont les véritables acteurs de l'abolition de l'esclavage.
Les intérêts guident les hommes et il faut savoir les défendre, quel qu’en soit le prix. Des idées généreuses et abolitionnistes vont ainsi naître et défendues en France par la Société des amis des Noirs, fondée en février 1788, par le Girondin Brissot. Le soulèvement des esclaves en août 1791, obligera l’assemblée à poser la question des droits des libres, en octobre de la même année. Brissot qui a une petite longueur d’avance sur son temps, déclarera : « La servitude ne peut exister éternellement à côté de la liberté.»
Face à ces velléités d’indépendance et de liberté qui s’amplifient au milieu des esclaves, et des nouvelles attristantes qui proviennent d’Haïti et d’ailleurs, l’assemblée finira par décréter, le 28 mars 1792 : « Que les hommes de couleur et les nègres libres doivent jouir ainsi que les colons blancs de l’égalité des droits politiques. »
A suivre…
Jean Claude BEMBA
Commentaires (1)
1. Abby 10/03/2010
Wooww thanks for the article it was so informative and exactly what I was searching for. We are pretty ignorant about history. I'm hopeful that you will add similar to this article. Thanks a lot.
Abby from USA