"On peut tuer un homme,
mais on ne peut pas tuer ses idées."
Thomas Sankara
En abolissant l’esclavage, la Convention a eu le mérite de mettre fin à la révolte des Noirs dans les plantations de Saint Domingue. Après avoir lutté contre les Espagnols, et chassé les Anglais de l'île, Toussaint Louverture s’est rallié à la Convention, devenant à l’occasion, Gouverneur général de la République Dominicaine unifiée en 1801. Il développe le commerce avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. L’ile devient prospère, ce qui n’est pas du goût de Napoléon Bonaparte, dont le désir est de reformer un empire.
Par décret du 20 mai 1802, il décide de restaurer l’esclavage et la traite des Noirs, et de rétablir la souveraineté française à Haïti. Une armée impressionnante et sans pitié, se chargera de réaliser le rêve du monarque. Le 07 juin 1802, trahi par Dessalines un des ses adjoints, Toussaint Louverture qui croît se rendre à une table des négociations, avec le général Leclerc, est lâchement capturé. Emprisonné dans des conditions effroyables au Fort de Joux dans le Jura, il sera condamné et expressément exposé aux froidures hivernales. Il y mourra sans jugement le 07 avril 1803.
Pour Leclerc et Napoléon, il n’est pas question de négocier avec celui qu’il considère comme inférieur et qui n’a pas à leurs yeux, le même statut d’homme, tout comme tous ces Noirs qui vivent et qui combattent à côté d’eux, mais qui ne sont pas avec eux, les considérant comme des êtres inférieurs. Malgré tous les traitements cruels infligés aux insurgés, ces différentes campagnes autant en Guadeloupe qu’à Haïti, coûteront près de 60 000 vies à l’armée française. Napoléon est un aventurier qui n’a pas compris le cours de l’histoire. Il s’est sérieusement cassé la gueule en refusant de nager dans le sens du courant. L’Ile d’Haïti qui a tenu tête à l’occupant, sortira finalement de la Convention. Dessalines le traître d’hier tournera le dos à la France et le 1er janvier 1804, Haïti deviendra le premier Etat noir indépendant.
Les choses bougent en Amérique où Napoléon Bonaparte, affaibli par ses défaites successives, sort enfin de son rêve démesuré ; ce qui ne l’empêchera pas d’être couronné empereur. Il va vendre la Louisiane aux Américains, mais dans les Antilles Françaises, les avancées sont encore difficiles. En 1848 quand le Monarque décide enfin d’abolir la traite des esclaves, par le biais de Victor Schœlcher, le combat n’est pas gagné pour les Africains, dont les jours sombres et des lendemains meurtris pointent à l’horizon.
Il faut donner aux anciens esclaves l’illusion, un semblant de liberté. Comme à l’époque où Louis XIV, pour mieux faire avaler la pilule, s’était servi de certains intellos des lumières. Ceci n’excuse en rien, la responsabilité de tous ceux qui ont été, les portes étendards des crimes de la politique esclavagiste et coloniale de la France. C’est donc ainsi que Victor Schœlcher, le prétendu abolitionniste de l’esclavage en 1848, entrera en scène. Il va associer son nom à la naissance d’un mythe qui masquera une réalité historique particulièrement complexe.
Que faut-il attendre de ces "Philosophes" qu’ils soient des ténèbres ou des lumières, de ces politiques, tous de grands esclavagistes, racistes notoires et investisseurs dans les compagnies de traite négrière ? Rien de bon. Ces malfrats qui sont écoutés et Schœlcher le sait. C’est donc à eux qu’il fera appel, pour justifier l’injustifiable… Comme dans une mise en scène, Victor Hugo, Jules Ferry et Jules Simon, tous des contemporains, vont apparaître. La liste n’est certes pas exhaustive, car ils sont nombreux bien que minoritaires. Nous la limiterons pour l’instant à ces trois chantres, héritiers des frères des lumières ; ces courtisans des monarques, qui n’ont que du dédain pour tous les sans voix.
Des voix se sont levées dès 1770 aux Etats-Unis et partout dans le monde, pour condamner cette pratique honteuse qu’est la traite des esclaves. Certains génies, contre le cours de l’histoire, vont pourtant trouver des moyens d’asservissement beaucoup plus insidieux, comme la colonisation et le néocolonialisme, tout comme le franc CFA, pour perpétuer l’exploitation de l’homme Africain. Aujourd’hui encore, d’autres refusent catégoriquement de reconnaître aux Africains leur statut d’homme, dans cette Afrique qu’ils ont juré de saigner à blanc. Autrement dit, la part qui revient aux Africains dans cette entreprise, c’est le travail forcé, la férule, les mains et les têtes coupées, à la moindre contestation.
Et depuis, pour paraphraser Sony Labou Tansi :
"On tue, Dieu est dépassé par les choses d'ici... dans ce monde qui est fou... un monde à l'envers ...
Ils peuvent tuer et comme le disait le Président Thomas Sankara :
"On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées."
A suivre…
Jean Claude BEMBA